Gauthier Toux

For a word

Créé en 2017 lors d’une carte-blanche résidence au Cully jazz festival, For a word naît d’un coup de foudre musical. Gauthier Toux réunit autour de lui la chanteuse lucernoise Léa Maria Fries, le batteur genevois Valentin Lietchi et le bassiste français Julien Herné (Vincent Peirani, Eric Legnini, Axel Bauer).

Créé en 2017 lors d’une carte-blanche résidence au Cully jazz festival, For a word naît d’un coup de foudre musical. Gauthier Toux réunit autour de lui la chanteuse lucernoise Léa Maria Fries, le batteur genevois Valentin Lietchi et le bassiste français Julien Herné (Vincent Peirani, Eric Legnini, Axel Bauer).

Les musiciens s’interrogent sur l’ambivalence de la complexité du langage musical et sa facilité à toucher, émouvoir son auditoire – alliant le discours des notes au pouvoir du mot. Ils jouent de la matière sonore et de ses phrases, les ponctuent par quelques souvenirs musicaux (celui du chant d’Eddie James « Son » House, qui se mêle aux échanges de « Grinnin’ in your face »).

Ne cédant jamais à la facilité d’utiliser le mot comme simple écrin, For a World l’apprivoise, le sublime, l’assèche, l’emploie au sens propre ou comme effet musical, faisant de la voix un instrument comme les autres.

L’utilisation et la place laissée à la voix distillent des moments ténus et sur un fil, toujours proches de la cassure, où la parole s’achève et se confond, s’efface et se transcende dans le son pur. Anglais, allemands, français… les langages s’enchaînent et racontent une histoire, tantôt performative (ces quelques notes, hors cadre, qui « s’envolent », esseulées dans « Princess ») ou bien décousue et métaphorique. Le quatuor se plaît autant dans des nébuleuses sonores, des escapades jazz somptueuses, que dans des mélodies franchement pop et aux allures de tubes.

La musique est convulsive ou apparaît par touches impressionnistes. Le traitement du souffle et du silence, superbement maîtrisé, donne à l’ensemble son unité Nous en étions prévenus dès l’introduction : « (…)wenn Worte nicht ausreichen, ausweichen auf Klang », « si les mots ne suffisent pas, esquivez le son ». For a word n’est donc pas pensé comme un groupe à chanteuse, et s’interdit clichés du genre. Les rôles s’interchangent dans des titres qui se succèdent parfois brusquement : bouleversants, dépouillés, convulsifs, majestueux ou menaçants…

Gauthier Toux parvient dans cet assemblage fantasque à créer des émotions qui traversent l’auditeur sans qu’il puisse s’en saisir tout à fait – trimballé et parfois malmené sans ménagement, de façon jubilatoire. On s’acharnera à comprendre, déchiffrer ce discours qui parcourt le disque For a word pour le résumer en un mot, mais ce serait passer à côté de ce qu’il parvient à nous dire sans l’énoncer – la capacité de chacun à ressentir et interpréter la musique comme il l’entend. Au travers du filtre de son imagination de sa sensibilité, l’auditeur se saisira de ce « mot » avec justesse ou méprise – à l’image, finalement, de nos échanges quotidiens.